Google et Facebook mettent les entreprises de médias sous pression

En Suisse, ce sont surtout les jeunes qui s'informent de plus en plus via des plateformes comme Google et Facebook. Des experts, dont la rédactrice en chef de Werbewoche Anne-Friederike Heinrich, ont discuté de la mesure dans laquelle cette "plateformisation" met sous pression le journalisme d'information professionnel lors de la présentation de l'annuaire "Qualität der Medien".

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Un petit nombre de prestataires professionnels dominent la scène médiatique, constatent les auteurs du dernier annuaire "Qualität der Medien". En Suisse alémanique, les trois plus grands groupes de médias couvraient en 2016 71 pour cent du marché de l'audience en ligne. En Suisse romande et au Tessin, cette domination des grands est encore plus marquée. L'Institut de recherche opinion publique et société (fög) de l'Université de Zurich rédige chaque année l'annuaire. Il paraît aux éditions Schabe et est financé par la Fondation Kurt Imhof pour la qualité des médias et l'Université de Zurich.

Vers les six conclusions principales, y compris les graphiques

Outre les entreprises de médias connues, de plus en plus de petits et nouveaux fournisseurs s'établissent en ligne, dont la plupart ont relativement peu d'utilisateurs. Certains respectent des critères de qualité journalistique, tandis que d'autres ne s'orientent guère vers ces directives ou poursuivent des intérêts particuliers, selon le constat de l'annuaire.

Ils ont tous en commun d'être exposés à l'attraction des intermédiaires et des plateformes technologiques. Pour la plupart des fournisseurs, la relation est extrêmement difficile, écrivent les auteurs. La "plateformisation", qui émane surtout de Google et de Facebook, met le journalisme professionnel sous pression.

En outre, les fournisseurs professionnels seraient de moins en moins en mesure d'assumer leurs tâches en matière d'assurance qualité en raison du manque de ressources et de la diminution de la volonté d'investir dans des produits journalistiques.

Soutien aux médias recommandé

Les auteurs de l'annuaire recommandent à la Suisse de s'ouvrir à des "formes plus étendues de soutien aux médias (...) hors de l'Etat". Pour que les médias nationaux puissent suffisamment profiter des recettes publicitaires, ils estiment qu'il faudrait envisager une taxe sur la publicité pour les intermédiaires technologiques mondiaux.

L'annuaire conseille aux entreprises de médias privées de procéder à des subventions croisées de secteurs non journalistiques en faveur des offres journalistiques. Les coopérations entre les entreprises privées et la SSR, financée par la redevance, seraient surtout utiles dans le développement de nouvelles technologies ainsi que dans la formation et le perfectionnement.

Les auteurs estiment en outre que les jeunes doivent être sensibilisés à l'importance des médias d'information professionnels. Une infrastructure numérique cofinancée par les pouvoirs publics permettrait d'intégrer les petits fournisseurs professionnels dans le "monde en ligne".

"Le numérique d'abord"

"Digital first" : 41 pour cent de la population suisse s'informe désormais principalement en ligne, sur les sites d'information des fournisseurs de médias ou via les médias sociaux. 30 pour cent citent la télévision comme principale source d'informations, 18 pour cent la presse écrite et 9 pour cent la radio.

Les plus âgés utilisent la télévision et les journaux. Mais plus les gens sont jeunes, plus ils s'informent principalement en ligne. Pour les 18-24 ans, le web est devenu la principale source d'informations. Seuls 14 % de ce groupe d'âge s'informent encore principalement via la télévision.

En Suisse, les personnes à la recherche d'informations ont plus souvent recours aux offres des entreprises de médias qu'à l'étranger. Ils utilisent pour cela des applications ou se rendent directement sur le site. L'attachement aux "newsbrands" établis est encore relativement élevé, constatent les auteurs de l'annuaire.

Mais le groupe qui recherche des contenus à l'aide de moteurs de recherche, qui est confronté à des nouvelles dans les médias sociaux ou qui les reçoit de la part d'agrégateurs de nouvelles, devrait prendre de l'importance. Les jeunes de 18 à 24 ans utilisent les médias sociaux à 28%, devant les portails des entreprises de médias (27%) et les moteurs de recherche (26%).

Argent publicitaire pour les intermédiaires tech

Cette concurrence des intermédiaires technologiques prive les entreprises de médias de recettes publicitaires, peut-on lire dans l'annuaire. Facebook ou Google dominent le marché publicitaire. Si leurs revenus publicitaires augmentent, c'est notamment parce qu'ils proposent des contenus de qualité sans faire participer les rédactions aux recettes.

Le lectorat se montre également peu enclin à payer pour des informations provenant d'Internet : Seul un peu plus d'un utilisateur sur dix (11 %) a payé pour des informations provenant du web. Ceux qui s'informent principalement via les médias sociaux sont encore moins disposés à payer que les utilisateurs des offres médiatiques établies. (SDA/akk)

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