Les marques de l'enfance : des ancrages en période d'incertitude

C'était la "bière des coureurs" suisses dans le cyclisme : la première boisson au cola locale, Vivi Kola. La marque était culte en Suisse - mais la concurrence de Coca Cola et Pepsi Cola était trop forte. Après presque 50 ans, la boisson a disparu du marché en 1986.

Mais Vivi Kola est restée dans la mémoire de beaucoup. Des années plus tard, la marque renaît. Christian Forrer, qui a grandi dans la "patrie" Vivi Kola d'Eglisau ZH, y a ouvert le 12 juin 2010 le "magasin Vivi Kola", aujourd'hui le "Vivi Café". Il y propose non seulement de l'eau minérale contenant de la caféine, mais aussi du café.

"Vivi Kola a toujours été un grand thème à Eglisau pendant mon enfance", explique Forrer à l'ATS. Le graphiste aimait particulièrement les étiquettes des bouteilles avec les cartes du monde. Lors du nouveau lancement, Forrer n'était pas sûr au départ que les distributeurs de boissons s'intéresseraient à un autre cola. "Mais je me suis dit que la marque méritait d'être à nouveau vue". C'est pourquoi il a ouvert son propre magasin.

Marques du "bon vieux temps

A quel point Vivi Kola Christian Herren, du Swiss Brand Museum de Berne, qui a exposé d'avril 2015 à fin 2016 des marques suisses et des articles suisses connus, a constaté que le public appréciait les produits suisses. "D'une part, les personnes âgées se sont réjouies de la marque qu'elles connaissent encore de leur enfance", explique Herren. D'autre part, Vivi Kola suscite l'envie de découverte chez les jeunes. La boisson non alcoolisée marque des points en tant que boisson locale avec tradition.

Vivi Kola n'est pas la seule marque à avoir réussi son come-back. Les tricycles rouge vif Wisa-Gloria parviennent eux aussi à se maintenir depuis des années malgré l'adversité et sont actuellement de nouveau à la mode. En 2010, la marque de vêtements de sport Nabholz s'est réinventée. Fondée en 1821, la marque a été pendant des décennies l'incarnation du survêtement en Suisse. Les marques rétro allemandes comme les appareils photo Leica et les sandales Birkenstock célèbrent également un renouveau.

Marques du "bon vieux temps

Le retour aux marques ayant une longue histoire est également lié à la surabondance actuelle de marques et de produits. "A chaque tendance correspond toujours une contre-tendance", explique Raymond Dettwiler, professeur de marketing à la Haute école spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse. De plus, la crise financière a ouvert une période d'incertitude dans laquelle les gens cherchent des repères. "Les marques qui existent depuis longtemps servent d'ancrage".

Les produits du "bon vieux temps" rappellent la famille, la sécurité et l'insouciance de l'enfance, explique Lucia Malär, experte en marques à l'université de Berne. Elle aussi observe que de plus en plus de marques reviennent sur le devant de la scène. Il ne s'agit pas seulement de biens de consommation, mais aussi par exemple de personnages comme Super Mario de Nintendo.

Pas de course en avant

Faire revivre une ancienne marque est également judicieux d'un point de vue économique : "Cela coûte nettement moins cher de reconstruire une ancienne marque que de faire connaître une nouvelle marque", explique Malär. Enfin, on peut s'appuyer sur une image positive déjà existante.

Mais les marques rétro ne se suffisent pas à elles-mêmes. "La nostalgie seule ne suffit pas", explique le professeur de marketing Dettwiler. Il faut aussi repositionner une marque et l'adapter aux besoins actuels. Ainsi, Vivi Kola existe aujourd'hui aussi en version sans sucre. De plus, selon Dettwiler, une marque doit être épurée afin de mettre en avant ce qui a fait ses preuves et de pouvoir raconter une histoire.

Le succès d'une marque rétro dépend de nombreux facteurs, explique Herren du Swiss Brand Museum. Certains produits nostalgiques sont déjà oubliés aujourd'hui, car ils n'offrent pas de valeur ajoutée et n'incitent pas à l'achat. Une marque doit en effet aussi évoluer. Herren cite l'exemple de la marque de chaussures suisse Kandahar, qui s'est fait connaître avec ses chaussures de ski et de curling. Aujourd'hui, en plus des chaussures d'hiver, Kandahar propose surtout des chaussures de mode haut de gamme.

Croissance continue

La résurrection de la marque a également fonctionné pour Vivi Kola. Dès le début, le magasin Vivi Kola a été pris d'assaut : "Nous vendions 2000 à 3000 bouteilles par semaine", se souvient Forrer. Très vite, les distributeurs de boissons se sont intéressés à Vivi Kola. Depuis, les ventes n'ont cessé de croître. "Depuis deux ou trois ans, nous mettons encore plus de gaz", dit Forrer. L'équipe investit plus de temps, et depuis lors, Vivi Kola a même connu une croissance encore plus rapide.xx L'ancienne boisson culte s'est ainsi à nouveau établie. Entre-temps, elle est vendue au-delà des frontières d'Eglisau, du canton de Zurich et de la Suisse. (Tina Tuor, ATS)

(Image : VIVI KOLA)